FYI Vayer Interview



C

Charles

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http://www.sporever.fr/Cyclisme/Tour_de_France/story_69368.shtml
CYCLISME / ANTOINE VAYER :
« Le Tour, c'est Disneyland »
29 juillet 2002 - Eric CAMACHO
L'ancien entraîneur des Festina, de 1996 à 98, livre un terrible bilan de ce
Tour de France. Pour lui, aucun doute, rien n'a changé et les performances
sportives de certains coureurs ne sont pas « humainement possibles ». Pas
sans produits dopants en tout cas.


Professeur d'éducation physique et sportive, Antoine Vayer a été l'entraîneur
de l'équipe Festina de 1996 à 1998. Il dirige AlternatiV, structure
d'entraînement, de recherche et de management pour athlètes de haut niveau.
Coauteur, avec Frédéric Porteleau d'un livre intitulé « Pouvez-vous gagner
le Tour ? » (Editions Polar France), il livre un regard acéré sur l'affaire
Rumsas et les performances des meilleurs coureurs de ce Tour de France 2002.


Antoine Vayer, que pensez-vous de cette affaire Rumsas ?
Si la police n'était pas là, on n'en saurait rien. Par rapport à la lutte
antidopage sur le Tour de France, les affaires de dopage ne peuvent être
révélées que par la police. Il y a un manque de volonté politique réel de
lutter contre le dopage alors que les moyens existent. Cela confirme tout ce
que l'on sait. Il n'y a que ceux qui sont mal organisés, comme les gens de l'Est,
qui se font prendre. Depuis 1998, les équipes et les coureurs sont beaucoup
mieux organisés. Il leur est facile de se préparer avec une liste de
produits de plus en plus large et très puissants.

Est-il possible à un coureur comme Rumsas (30 ans), pour son premier Tour,
de terminer troisième ?
Rumsas fait partie, avec Leiseka, Ugrumov ou Pascal Hervé, de ces coureurs
qui sont des comètes avec des performances « magiques ». Cela ressemble de
plus en plus pour moi à un Disneyland, au monde merveilleux de Walt Disney.
Rumsas fait partie des coureurs que nous avions détectés avant le Tour. Au
Tour de Catalogne, il avait terminé troisième avec un nombre de watts, la
méthode qui nous permet de calculer la puissance développée par les
coureurs, qui était très impressionnant. Rumsas faisait partie du club
restreint des « 430 watts ». Le club des initiés et des magiciens du vélo,
capables de pousser une puissance surréaliste dans les cols. Quand on est
capable de réaliser de tels performances dans les courses de préparation, on
peut le répéter en compétition.

Plus généralement, quel regard portez-vous sur ce Tour 2002 ?
Sur ce Tour, Armstrong développe la même puissance qu'en 1999 alors qu'Ulrich
et Pantani n'étaient pas là. En clair, sans rentrer dans les détails
scientifiques, l'Américain a été en dedans. Il n'a jamais été poussé dans
ses retranchements. Armstrong a dit lui-même qu'il était plus fort que les
années précédentes. En plus, il était entouré d'une équipe dont beaucoup de
coureurs faisaient partie du club très fermé des magiciens. C'est une belle
équipe qui ressemblait à celle de Festina en 1997. Une Dream Team. Voilà
pour Mickey au pays de Walt Disney.

« On ne parle pas du dopage pendant le Tour »

Et les autres ?
Il existe une vingtaine de coureurs, dont une dizaine joue le général, qui a
des performances magiques. Derrière, nous avons, sans lui donner un
blanc-seing, un garçon comme Moncoutié, qui a progressé de 20 à 30 watts en
une année. Il arrive à la quinzième place en poussant des watts de l'ordre
de 380 watts, ce qui paraît correct. Il échoue seulement là où il y a de la
fatigue. Plus c'est long, moins c'est bon pour lui. Il fait partie d'une
logique humaine.

Les résultats antidopage pendant le Tour ont tous été négatifs, y compris
celui de Rumsas.
Il fallait s'y attendre. C'était bien prévu. Si vous remarquez, on parle
beaucoup de dopage avant et après le Tour mais jamais pendant. Mais nous ne
sommes pas tous des Mickey quand même.

Comment définissez-vous la limite entre la récupération et le dopage ?
C'est lorsque la performance s'établit à la pharmacopée. La définition du
non-dopage, ce sont quelques coureurs que j'entraîne et qui ne font aucune
injection, ne prennent aucun médicament et qui, lorsqu'ils sont malades, se
reposent. Le dopage est lié au médicament. Il commence parfois à la caféine.
Le dopage, c'est quand on n'est pas malade et qu'on prend des médicaments.
Le dopage est une maladie, une addiction de médicaments.

« La moitié des coureurs ne ferait peut-être pas le Tour »

Vers quoi peut évoluer le dopage ?
Cela part dans tous les sens. Il y a le vieux dopage qui existe toujours. Je
vais vous donner un exemple. On dit que les corticoïdes sont détectables et
détectés. En ce moment pourtant, beaucoup d'amateurs me disent que certains
utilisent du Synactel retard, qui est un corticoïde qui passerait à travers
les contrôles antidopage. Il y a également tout le reste, notamment au
niveau des hormones de croissance. Je pense que l'on ferait mieux de mettre
tout de suite beaucoup d'argent pour détecter tout cela. Certains produits
ne sont même pas encore validés.

Vous parliez, en début d'entretien, de l'inaction politique. Pouvez-vous
préciser votre pensée ?
Au niveau politique, certains disent qu'il y a encore trop de contrôles
positifs. Je sais que dans certains laboratoires, des gens se font engueuler
car ils détectent trop de cas de dopage. Cela ne doit pas dépasser la barre
des 5 %.

Vous remettez clairement en cause le travail des instances sportives et
dirigeantes.
Les instances communiquent et se contentent d'avoir quelques cas pour
communiquer là-dessus. Mais il n'y a pas de véritable politique antidopage
ou de volonté réelle. Sinon, peut-être que la moitié des coureurs ne ferait
pas le Tour de France. Je pense qu'il faut en passer par là. La volonté
existe en théorie et elle est mise en pratique par une communication mais
pas sur une vraie lutte. Peut-être que des coureurs comme Moncoutié
gagneraient le Tour. Il faudrait plusieurs affaires Rumsas pour faire
avancer les choses. Ceux qui tuent le vélo ne luttent pas contre le dopage.